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Pénurie de carburant, transition énergétique… Comment le secteur du transport fait-il face ?

Sans vilain jeu de mot, le carburant est l’essence-même du secteur du transport. Alors comment font ces chefs d’entreprise qui portent à eux seuls, une bonne partie de l’économie du pays ? Comment lancer des plans d’investissement sans avoir de visibilité ? Au manque de personnel s’ajoutent les hausses de prix des matières premières et les obligations en termes de transition énergétique sans que cela ne soit très clair.

C’est Chantal Lefrançois qui se prête au jeu des questions-réponses. Elle est présidente de la société TLA Group qui porte, entre autres, l’entreprise Translocauto à Dreux. Elle a repris la gestion de la société il y a 41 ans. Depuis, elle s’est entourée de ses deux fils, Steven et Thomas, directeurs généraux du groupe familial. Au début, Translocauto comptait 6 salariés, aujourd’hui ils sont 180 collaborateurs et 220 à l’échelle du groupe.

Comment se porte le secteur du transport aujourd’hui ?

Il fait face à une baisse d’activité qu’on pourrait estimer entre 5 et 10%. Cela est dû à plusieurs facteurs : il y a d’abord un ralentissement économique global déclenché par la situation de la guerre en Ukraine mais aussi, ne l’oublions pas, une partie due à la pandémie de coronavirus qui a ralenti la production par manque de personnel.
Et puis bien sûr, il y a des surcoûts de tout ordre, qu’il s’agisse des matières premières ou de la transition énergétique avec une envolée des prix qui impacte toute l’économie.

« En France, il manque entre 50 000 et 100 000 chauffeurs »

Est-il, lui aussi, touché par le manque de personnel ?

Bien sûr. Nous souffrions déjà d’un manque de personnel avant la pandémie mais là on peut parler de manque cruel. Nous ne sommes plus dans l’idéologie sociétale, les salariés souhaitent profiter de la vie suite aux craintes qu’ils ont eu pendant cette période. De ce fait, tous les métiers qui génèrent des obligations de commencer avant 7h30 et de finir après 18h30, ne sont plus attractifs. De nombreuses TPE et ETI du secteur du transport sollicitent les professeurs de collège en espérant qu’ils prennent en compte nos problématiques et fassent visiter nos entreprises aux jeunes collégiens.
Aujourd’hui, la vocation personnelle prend le dessus sur la professionnelle. En France, il manque entre 50 000 et 100 000 chauffeurs. Dans ces professions, il y a le chauffeur routier qui part à la semaine et pour lequel c’est généralement une vocation. Par contre, les chauffeurs journaliers ont tendance à comparer leur métier à des métiers industriels alors que nous ne sommes pas du tout sur les mêmes schémas.

Comment faites-vous face aux pénuries de carburant ?

Si nous comparons à décembre 2021, on est entre 35 et 38% de hausse du prix d’achat du carburant. Il faut savoir que nous n’avons pas de réserves destinées au secteur. Dans notre entreprise, à Dreux, nous avons une cuve de 50 000 litres et nous nous faisons livrer 32 000 litres de carburant par semaine, dans un contexte où tout va bien. Je m’appuie sur une flotte de 110 camions et nous consommons environ 160 000 litres de gasoil par mois pour l’ensemble. Par chance, nous sommes approvisionnés par plusieurs fournisseurs donc si l’un ne peut pas nous livrer, un autre peut le faire. En revanche, je n’ai aucune visibilité sur les prochaines livraisons, à ce jour. Nous achetons le carburant hors taxes plus cher que le carburant affiché TTC à la station-service.

On parle également de plus en plus d’électrification, est-ce une réalité proche pour le secteur ?

Non, on n’y est pas encore. L’État a pris ces décisions tardivement et nous aurions dû agir bien en amont. Mais en tout état de cause, aujourd’hui, le marché ne dispose pas de matériel roulant disponible qui peut correspondre à la problématique de notre métier dans son intégralité. Nous avons passé commande de 3 camions électriques mais ils ne s’ajusteront qu’à la livraison très urbaine, en centre-ville. Pour les autres énergies comme l’hydrogène ou le B100, les délais de livraison sont, d’une part, très longs et d’autre part, nous sommes sur des surcoûts très significatifs.

L’État a exigé des délais courts par le biais des ZFE (zones à faibles émissions), sans que nous ayons de propositions réalistes et réalisables pour faire face à cet enjeu de basculement dans la transition énergétique. Tous les transporteurs ont des plans d’investissement à 3, 4 voire 5 ans et renouvellent leur matériel tous les 4-5 ans mais compte-tenu de la situation, nous n’avons aucune visibilité et nous mettons en suspend nos plans d’investissement le temps d’y voir plus clair.

Quelle est votre feuille de route face à tous ces enjeux ?

 

Le transport et la logistique sont une économie significative pour notre pays, il faut préserver ces secteurs. Est-ce logique que les camions traversent toute la France ? Je partage l’avis des pouvoirs publics de relancer le transport ferroviaire des marchandises.
Essayons d’être pragmatiques dans nos modes de consommation car nous souhaitons tous l’instantanéité mais à quel prix ? Comment peut-on faire revenir la notion d’engagement dans le travail chez nos salariés pour faire vivre la société au sens large du terme ? Je m’attache à préserver les emplois et à mener toutes les actions pour séduire les futurs chauffeurs de demain et d’après-demain.

Chantal Lefrançois, présidente de TLA Group à Dreux

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